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LA PHILOSOPHIE ; HYPATIE


pour fondement, non la recherche, mais la tradition pure et la rêverie. Plus d’observation, donc plus de renouvellement intime. Elle vit sur des textes qu’elle interprète en les torturant, en les combinant de mille manières, en les développant à sa fantaisie. Tous les maîtres du temps sont des commentateurs ; et ces commentateurs sont, de plus, des mystiques. Plongés dans les pratiques d’une dévotion ardente, ils s’adonnent passionnément à la théurgie, convaincus de la toute-puissance des formules et des pratiques secrètes, exaltés par l’ascétisme et la prière, étrangers aux choses de leur temps. Suspects au christianisme, qui règne alors en maître dans l’empire, et quelquefois même persécutés, ils voient leur influence décroître de jour en jour. Comme ils ont cessé de s’appuyer sur la raison, ils ne représentent plus qu’une tradition altérée. Quelques écrits de Platon, en particulier le Timée, quelques poèmes pseudo-orphiques, la collection des Oracles (Λόγια (Logia)) déjà commentés par Porphyre, sont à présent pour eux des livres sacrés, de même que l’Ancien et le Nouveau Testament le sont pour les chrétiens. En fait, il n’y a plus de pensée vraiment indépendante dans le monde grec. Le ve siècle assiste au dernier rayonnement du néoplatonisme, qui décline après Proclos et disparaît peu à peu dans le cours du vie siècle.

On a vu, au chapitre précédent, combien l’école syrienne de Jamblique, très brillante dans la première moitié du ive siècle, très favorisée ensuite par Julien, était retombée dans l’obscurité après la mort de cet empereur. Au début du ve siècle, toutefois, voici qu’un foyer actif de néoplatonisme se révèle à Alexandrie. Dans quelle mesure les philosophes qui enseignaient là procédaient-ils de l’école syrienne, nous l’ignorons. À vrai dire, ils semblent assez indépendants les uns des autres,