Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/1038

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1020
CHAP. VIII. — LA FIN DE L’HELLÉNISME


à faire un historien au sens élevé du mot, et Procope, tantôt narrateur officiel, tantôt chroniqueur, ne saurait prétendre à ce titre. Comme prosateur, s’il peut être compté parmi les meilleurs de son temps, cela ne veut pas dire qu’il ait produit une œuvre littéraire vraiment distinguée. Son style, passablement correct et dégagé, n’est pas exempt de l’élégance sophistique qui régnait alors.

Procope eut pour continuateur Agathias de Myrina, le même dont nous avons parlé un peu plus haut à propos de ses poésies[1]. Ses Histoires (Ἱστορίαι (Historiai)), en cinq livres, reprennent le récit de Procope au point où celui l’avait laissé, c’est-à-dire à l’année 552, et le conduisent jusqu’en 558. Agathias écrivit cet ouvrage peu de temps sans doute après la mort de Justinien[2] ; il avait l’intention d’arriver jusqu’aux événements tout à fait contemporains, mais, pour une raison ou une autre, il ne réalisa pas son dessein. Son histoire n’embrasse qu’un espace de six années, pour lequel elle constitue notre principale source d’information[3]. Exact et bien renseigné, Agathias expose clairement, mais sans agrément ni véritable élégance : sa phrase, souvent longue, est médiocrement construite ; et, cà et là, chez le narrateur, se laisse trop voir le sophiste qui croit embellir son récit par des artifices de rhétorique[4].

L’œuvre interrompue d’Agathias fut reprise bientôt après par Ménandre, qu’on appelle Προτίϰτωρ (Protiktôr), Protector, « garde du corps ». Celui-ci écrivait sous l’empereur

  1. Voir plus haut, p. 1004. Niebuhr, Commentatio de vita Agathiæ ejusque libris historiarum, en tête de son édition (Bonn, 1828) et dans les Histor. Gr. min. de Dindorf, t. II, p. 11.
  2. Agathias, Histoire, Préface, Éd. de Paris (1660), p. 7, D.
  3. Sommaire dans l’éd. de Bonn et dans les Histor. Gr. min. de Dindorf, t. II, p. XIX.
  4. Voir l. I, § 12 et 13, l’étrange récit relatif à un épisode du siège de Lucques par Narsès.