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CHAP. VIII. — LA FIN DE L’HELLÉNISME

partie des événements a lieu en Asie dans l’empire d’Artaxercès[1]. Mais si l’auteur a tenu un certain compte de l’histoire pour constituer son cadre, il n’en a plus le moindre souci dans l’invention des péripéties. Celles-ci sont de pure fantaisie et ressemblent à celles des romans antérieurs. Callirrhoé, mariée dès le début à Chæréas, est crue morte, enterrée vivante, enlevée par des pirates, vendue en Asie, où elle épouse Dionysios, riche citoyen de Milet ; elle passe de là dans le harem d’Artaxercès ; puis, par suite de la révolte de l’Égypte, est transportée à Arados. Chæréas, de son côté, ayant appris que sa femme était vivante, part à sa recherche ; il est pris par des barbares, vendu au satrape de Carie, Mithridate, se rend avec lui à la cour du grand roi, devient un des chefs des révoltés égyptiens, s’empare d’Arados à la tête de la flotte qu’on lui a confiée, y retrouve sa femme, et la ramène à Syracuse. Au fond, l’action, malgré les invraisemblances essentielles, est moins chargée d’incidents bizarres, que dans les précédents romans. Elle marche assez droit à son but. En outre, le roman a un certain charme de douceur et d’humanité, dans la représentation des mœurs. Mais les figures y sont pâles et comme effacées, souvent même inconsistantes, les foules y agissent automatiquement, à la fantaisie de l’auteur, qui lasse le lecteur par l’emploi monotone de certaines conventions puériles[2]. Enfin, la rhétorique et le bel esprit y défigurent trop souvent la vérité.

Après Achille Tatios et Chariton, le roman disparaît

  1. En réalité, Hermocrate était mort en 408, avant la fin de la guerre du Péloponnèse, et la révolte de l’Égypte n’eut lieu que sous le règne d’Ochus.
  2. Par exemple, la beauté de Callirrhoé, que personne ne peut voir sans être frappé de stupeur, ou encore la Renommée (Φήμη (Phêmê), dont Chariton se sert pour faire porter au loin les nouvelles, quand cela lui est commode.