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LA LANGUE GRECQUE

Ces observations, extrêmement incomplètes et sommaires, suffisent cependant à marquer les caractères généraux de la langue grecque au point de vue littéraire. Sonore et variée, elle se prêtait aussi bien à l’expression des passions fortes et des idées vigoureuses qu’à celle des nuances délicates du sentiment et de la pensée. Excellente pour la poésie par la beauté simple de son accentuation et par l’ampleur mesurée de ses formes, elle lui fournissait en abondance et avec une égale facilité soit les expressions éclatantes et descriptives qui enchantent l’imagination, soit les termes précis et énergiques qui sont pour l’homme plein de sa passion ou de son idée comme autant de traits. Elle avait, dès le temps d’Homère, des ressources multiples pour caresser l’oreille et pour séduire les esprits, lorsqu’elle coulait « plus douce que le miel » des lèvres d’un orateur tel que Nestor, ou « plus pressée que les flocons de la neige d’hiver » de celles d’un Ulysse ; elle en avait aussi pour les frapper par des sentences concises, à la manière de Ménélas apportant dans l’assemblée des Troyens ses réclamations et ses menaces : παῦρα μὲν, ἀλλὰ μάλα λιγέως, « quelques paroles seulement, mais nettes et vibrantes. » Et déjà, à voir cette richesse discrète, cette souplesse fine et brillante, on pouvait pressentir quelle admirable prose sortirait un jour d’une telle poésie. La langue d’Homère n’eut qu’à vivre quelques siècles, à mûrir, pour ainsi dire, aux rayons de la sagesse morale et politique, pour devenir tout naturellement, et sans aucune modification profonde, la prose naïve et brillante d’Hé-

    qui ont servi dès les premiers temps de la littérature à étiqueter en quelque sorte les parties d’un développement, dans l’intérêt de la clarté et du raisonnement.