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530 CHAPITRE XL — LES TRAVAUX ET LES JOURS

Un autre trait de la langue hésiodîque, c'est rem- ploi fréquent de tours indirects, de périphrases ingé- nieuses, où nous retrouvons encore quelque chose de la bonhomie malicieuse du peuple grec et de son goût pour les finesses du langage. Au lieu de dire tout simplement, « Si tu agis ainsi, tu pourras rem- (( plir de blé tes amphores », il aimera mieux nous faire entendre la chose d'une manière détournée : c( De cette façon, dit-il, tu auras lieu d'ôter les toiles « d'araignées de tes amphores*. » Ce n'est pas seu- lement l'image qui lui a plu, mais il se satisfait lui- même en disant une chose au lieu d'une autre qui y lient de près, et en faisant deviner la seconde par la première. De même encore, là où un autre dirait: « Si tu laboures trop tard, lu feras une maigre « récolte », voici comment il s'exprime : « Assis « pour moissonner, tu ne prendras dans ta main que « quelques épis et tu te couvriras de poussière en « liant tes gerbes.' » Ces petits artifices de langage sont absolument étrangers à la tradition homérique, et ils deviendraient fatigants si le poète en abusait; mais employés à propos au milieu d'un poème dont la langue est en général si saine et si savoureuse, ils lui donnent un attrait de plus ^.

Au point de vue de la structure de la phrase, la poésie hésiodique dans les Travaux n'a pas l'am- pleur ni la souplesse homériques, et on peut dire

1. Travaux^ 475.

2. Travaux^ 480.

3. Signalons aussi quelques expressions énigmatiques, telles que « le mortel à trois pieds > pour dire « le vieillard >, v. 533; c l'animal sans os », pour désigner un poulpe, v. 524; c l'arbre fi cinq branches », c'est-à-dire la main, v. 743. Il n'est pas sûr que les passages où elles se trouvent soient d'Hésiode, mais elles n'ont rien qui répugne à sa manière.

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