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nous les concevons comme l’œuvre d’un aède qui met à profit des chants existants, et tantôt se contente d’une légère appropriation, tantôt s’étend avec complaisance sur les épisodes qui plaisent à son imagination. La forme de ces récits est certainement de son fait : c’est lui qui a eu l’idée de les mettre dans la bouche d’Ulysse lui-même. Mais cela n’implique pas nécessairement qu’il eut d’abord raconté en détail l’arrivée du héros chez les Phéaciens. Dans le Retour qui existait déjà, le séjour chez les Phéaciens, peuple merveilleux, était évidemment mentionné comme la dernière étape des voyages d’Ulysse. Il était donc tout naturel de lui faire raconter là ses aventures, pour que le cycle en fût à peu près complet. Les auditeurs étaient mis au courant, si cela était nécessaire, au moyen de quelques vers d’introduction, qui rattachaient ces chants nouveaux et particuliers à un groupe de récits légendaires déjà connus. Quiconque est tant soit peu familier avec les épopées homériques, sait à quel point cette façon de raccorder un épisode à une série d’événements était ordinaire dans l’art de ce temps.

Toutefois, nous l’avons vu, une partie considérable des récits d’Ulysse semblent avoir été ajoutés postérieurement, à l’imitation des premiers, et pour multiplier des sujets de chants qui charmaient le public d’alors. Laissons-les donc de côté. Les plus anciens, c’est-à-dire ceux des livres IX et XI, sont l’élément primitif de l'Odyssée^ et ce sont ceux-là dont nous nous occupons.

L'Arrivée d Ulysse chez les Phéaciem (livres V-VIII) en est, dans l'Odyssée^ l’introduction naturelle, et c’est la plus belle partie du poème. En la comparant avec certains épisodes des récits d’Ulysse, celui du Cyclope par exemple, nous sommes frappés de la