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310 CHAPITRE V. — ANALYSE DE L'ODYSSÉE

grande salle, ensuite allant mendier de table en table, insulté et frappé par Antinoos, qu'il maudit. Tout cela est plein de vie, et le mouvement des sen- timents y est aussi profond que naturel. Plus on dé- gage ces grandes parties du poème, plus elles appa- raissent dans leur beauté.

A la fin de ce dix-septième livre, Pénélope, préve- nue de l'arrivée du mendiant, le fait inviter par l'inter- médiaire d'Eumée à venir la trouver pour lui dire ce qu'il sait. Ulysse lui fait répondre qu'il s'entretien- dra avec elle après le départ des prétendants. Le su- jet futur du XIX* livre, c'est-à-dire précisément cet entretien de Pénélope avec Ulysse déguisé, est donc visé ici expressément par-dessus le dix-huitième, et il en résulte que le dix-septième et le dix-neuvième livre forment ensemble un groupe. Au contraire, si l'on compare ce même dix-septième livre au quator- zième, on s'aperçoit qu'il y a entre eux à la fois accord et divergence. La façon dont Eumée annonce et fait connaître le mendiant à Pénélope se rapporte bien à ce qu'il on a appris lui-même dans leurs entretiens du quatorzième livre. Mais quand Ulysse, interrogé par les prétendants, leur raconte ses prétendues aventures (v. 4l9-i44), la narration qu'il leur fait dif- fère notablement de celle qu'il a faite précédemment à Eumée (XIV, v. 199 et suiv.); or celui-ci est présent à ce second récit, et par conséquent Ulysse, par celle contradiction, se compromet ici sans aucune néces- sité aux yeux d'un homme qu'il doit ménager. Ne peut-on pas conclure de là que le dix-septième livre n'était pas destiné à faire suite au quatorzième? 11 appartenait primitivement à un groupe diflerenl, qui sans doute supposait la connaissance des faits ra- contés dans les chanls précédents, mais qui s'y rap- portait sans aucun scrupule d'exactitude rigoureuse.

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