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XX
PRÉFACE

Lettres sur les Grecs anciens et modernes avec un parallèle de leurs mœurs. Guys avait constaté avec surprise que la race grecque subsistait, qu’elle continuait de vivre et de chanter, et qu’elle ressemblait à ses ancêtres beaucoup plus qu’on ne s’en doutait. Le Voyage de Guys, peu apprécié, semble-t-il, des savants de ce temps-là, préparait de loin pourtant l’Itinéraire de Chateaubriand.

Chateaubriand, voilà le grand initiateur de l’esprit historique en France. Malgré les vicissitudes de sa renommée, on peut dire qu’il reste le maître incontestable de la première moitié au moins du xixe siècle, et qu’il est difficile d’exagérer son influence. Ses défauts sont connus ; ils sont éclatants : il y a chez lui bien de l’à-peu-près, bien de l’arrangement, bien du charlatanisme parfois. En outre, ces défauts portent leur date ; ayant contribué à créer une mode, ils paraissent surannés depuis que la mode en est disparue. Mais, avec tout cela, combien cet homme est près de nous ! La Harpe et Barthélemy, qu’il a pu rencontrer et coudoyer, appartiennent à un autre âge de l’esprit français. Chateaubriand est séparé d’eux par un abîme, et ce qui l’en éloigne le rapproche de nous. Il a les vives curiosités et les larges sympathies de l’esprit moderne, avide de tout voir, hospitalier à toutes les idées, capable de se plaire tour à tour sur les rives du Meschacébé et sur celles de l’Eurotas, sensible à la poésie sombre des mers du nord comme à l’éclat riant de la nature méridionale, chrétien et païen, romantique et classique successi-