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XV
PRÉFACE

l’idée même de le professer et de l’écrire. C’était, en 1799, une brillante et hardie nouveauté que cette première histoire des lettres grecques, présentée dans la suite régulière et complète de son développement, et écrite en français par un homme de talent pour l’instruction et le plaisir des gens bien élevés[1]. De plus, chaque fois que La Harpe rencontre dans les écrivains de l’antiquité de certaines beautés raisonnables et fermes qui sont de tous les temps ou qu’on peut sentir sans trop d’étude, il a le goût assez sain pour les reconnaître, et la plume assez habile pour exprimer son sentiment avec chaleur et intérêt. Mais, cela dit, et sans même nous arrêter aux nombreux contre-sens qu’on lui a reprochés, il faut bien avouer que La Harpe a commis une faute plus grave encore, mais qu’il partage avec son siècle : c’est de ne pas paraître soupçonner qu’avant de prononcer sur des œuvres aussi éloignées de nous que celles des Grecs, il est bon de se déprendre, s’il est possible, des habitudes et des opinions de son propre temps, qui sont peut-être des préventions et des préjugés ; c’est qu’on n’entre pas de plain-pied, au sortir du théâtre de Voltaire, dans l’intelligence de celui d’Eschyle ; c’est que les faits littéraires ont leurs causes, que les races et les époques ont leur génie, et que le premier devoir du véri-

  1. L’année 1799 est celle où commence la publication du Cours de littérature. L’enseignement oral de La Harpe s’était ouvert en 1786, au Lycée.