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226 CHAPITRE IV. — 1/ART DANS L'ILIADE

imagination ne puisse l'admellre à titre d'exception. La poésie homérique se souvient de la réalité alors même qu'elle la dépasse, et elle reste sensée jusque dans ses fantaisies. Klle veut procurer à ses audi- teurs le plaisir de Tidéal, mais comme elle sait bien qu'on le détruit dès qu'on éveille le sentiment de rimpossii)le! Son art est de ménager l'imagination tout en favorisant son essor. Tout ce qu'elle crée est grand, rien n'est démesuré. Ces batailles immenses et furieuses sont encore des batailles d'hommes, et non de géants. Agamemnon et Diomède, Ulysse et Ajax luttent à eux seuls contre des masses d'hommes, mais on ne les voit pas comme notre Roland tuer cent mille ennemis avec leur épée. Jamais ce genre d'exagération enfantine n'apparaît dans les grandes narrations de Vlliade, L'hy|)erbole y est audacieuse et magnifique, comme elle doit l'être dans la poésie vraiment héroïque; mais dans celle audace même, il y a une raison solide, qui ne s'oublie jamais.

Ajoutons que la grandeur homérique ne devient pas monotone comme celle de tant d'épopées, parce qu'elle est tempérée par un sentiment profond et constant de la faiblesse humaine. Le poète peut bien s'exalter lui-méinc dans ses conceptions, mais com- bien il sait fortenuMit ce que c'est que l'homme, el comme il compatit à ses misères! Les plus vaillants héros de VIliadmnl leurs faiblesses. Diomède est sur le point de fuir lorscjue Ulysse le rappelle el le re- tient: « KilsdeTvdée, oublions-nous notre valeur? « Allons, ami, vi(»ns ici, tiens-loi debout près de (( moi. Quelle honte pour nous, si l'impétueux Hector « s'emparait de nos vaisseaux! » Ht Diomède, vail- lant entre tous, lui répond avec autant de simplicité que de vrai courage: « Eh bien donc, je resterai, el (< je tiendrai ferm(» avec loi. Mais nous n'aurons guère

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