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224 CHAPITRE IV. — L'ART DANS LILIABE

essentielle à montrer, qui est dans ce cas le déploie- ment extraordinaire de valeur des héros Achéens et l'inutilité de cette valeur. Il faut que dans cette bataille furieuse Agamemnon et les siens se sur- passent eux-mêmes, qu'ils apportent au combat toute leur fougue et toute leur force, qu'ils soient, pour ainsi dire , humainement vainqueurs , bien que vaincus par la volonté des dieux. Ce sera une victoire terminée en défaite, mais qui restera glorieuse et superbe jusque dans la déroute finale. Voilà l'idée maîtresse, et il est visible qu'elle constitue pour le poète le seul plan qu'il veuille suivre. Bien différent d'un historien qui se ci*oirait obligé avec raison de nous faire connaître le terrain, la disposition des troupes et leurs mouvements principaux, en un mot, de nous faire l'exposé stratégique de la bataille, Homère n'a souci que de nous en décrire les grandes phases dramatiques; le reste, s'il en est question inci- demment, n'est pour lui qu'accessoire. Cette idée morale suffit à ordonner toute la narration et à en régler le mouvement. Ayant toujours la même conception générale présente à Tesprit, il marche sûrement à son dénoiimcnt, sans lenteur ni préci- pitation. 11 le fait pressentir, puis il l'éloigné, il prolonge la victoire par des épisodes qui nous mon- trent Agamemnon triomphant et comme invincible, et pourtant il ne s'attarde pas au point de compro- mettre ridée principale ; il y a dans son récit comme un mouvement général qui nous entraîne et qui va en s'accélérant à mesure qu'approche le terme nécessaire. Quand Agamemnon blessé a disparu, quand la défaite commence, Ulysse et Diomède rem- plissent un instant la scène, mais déjà leur courage même est marqué du caractère de la défaite ; c'est une sorte de fureur inquiète, plutôt que cette valeur

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