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LIVRE II 121

aux troupes. C'est bien là ce que nous attendions. Mais auparavant, il veut éprouver ses soldats, chose dont le Songe n'a point parlé. Cette épreuve, qui donne son nom au livre II (Ileîpa), est des plus étran- ges. Rien de ce que nous avons vu antérieurement ne la justifie en quoi que ce soit. Tout au contraire, les Grecs viennent d'être décimés par la peste et troublés par la retraite d'Achille. Est-ce le moment, si l'on désire encore les faire combattre, de leur pro- poser la levée du siège, et cela sans aucune prépa- ration ? Agamemnon émet cependant son avis dans l'assemblée des chefs sans le motiver le moins du monde ; il semble que ce soit là une de ces idées qui entraînent d'elles-mêmes l'assentiment : et en effet sa proposition est acceptée sans discussion, sur une réflexion insignifiante de Nestor. Alors on réunit l'armée tout entière en assemblée. L'épreuve a lieu : Agamemnon feint de vouloir se rembarquer; aussitôt la multitude des Achéens se lève avec des cris de joie et se précipite vers les vaisseaux. Tout serait perdu sans Ulysse, inspiré par Héré et Athéné ' . Les chefs même , qui savent pourtant qu'il s'agit d'une simple épreuve, ont couru aux vaisseaux comme les autres; ni Agamemnon, ni aucun d'eux ne fait quoi que ce soit pour arrêter la foule; et bien loin de proclamer alors, comme la vraisemblance l'exigerait, cette promesse de victoire reçue de Zeus par rinlcrmodiairc du songe, ils n'en font pas même mention. Ce serait l'argument approprié, et cet ar- gument nécessaire est entièrement passé sous si-

��1. Arist., Poétiq., XV, 2, blâme ici l'iDlervention des dieux, comme une machine épique. Il est inconcevable en effet qu'Ulysse n'agisse pas ici par suite de ce quia été convenu avec Agamemnon, mais qu'il ait besoin d'une inspiration particulière des dieux.

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