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entre les deux peupliers de son quai, s’alourdissait de plis de pierres, tristes comme ceux des robes de veuves à la campagne.

Pourquoi m’a-t-on élevé dans les préceptes d’une religion qui exalte la tristesse et la souffrance ? Mon nez pourtant a l’innocence de n’importe quel museau. Si j’avais été animal j’aurais été fort réussi. Mais homme ? Qu’ai-je fait de toute mon existence avant d’arriver au buffet de cette gare du P.L.M. ?

Ce champagne qui vient de m’attendrir, peut-être pourra-t-il d’autres miracles ?

J’aime la rose de ma boutonnière, mes amis, et s’ils me demandaient encore une fois de les accompagner, je partirais avec eux.

Ils ne m’offrent rien.

Nous sortons du buffet.

Je monte dans mon wagon.

Au revoir.

Le train est parti.

La rose de ma boutonnière est tout ce qui me reste de leur amitié.