Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

UN DRAME, ENFIN

Un jour, enfin, il me fut permis de dramatiser sans fraude.

Ma famille n’avait jamais failli. « Notre honneur est intact », se plaisait à répéter ma mère. En vérité, s’il lui arrivait d’accabler mon père de reproches, c’est que, femme sans péril métaphysique, elle aimait néanmoins la controverse ; elle avait le goût des scènes comme, suivant les âges, du football, du tennis, du golf ou du footing. Je lui en voulais de ces inclinations tracassières, et je croyais les grandes fautes plus faciles à pardonner que les petits gestes de mauvaise humeur. Je dois avouer d’ailleurs que c’était bien en dehors de toute expérience.

Ma sœur, veuve de son premier mari, avait épousé en secondes noces un riche New-Yorkais. Mon père, après deux années de commandement au Maroc, avait été nommé général ; or il avait, aux colonies, contracté certaines habitudes qu’il ne put se résigner à laisser insatisfaites en France ; au reste, il avait assez de tact pour que nul ne s’en rendît compte ; le malheur voulut que se trouvât commis