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tiels. Rien de plus sale que la notion d’une poésie-divertissement à quoi ont abouti des siècles de nationalo-positivisme. Nous savons comment les plus peureux, pour donner le change, tâchent de faire prendre certaines excentricités extérieures pour la liberté elle-même. Cocardes aux détails et aux couleurs inusuels. L’orchidée d’Oscar Wilde, et plus récemment le boulon au revers de Francis Picabia, et encore, avec un mensonge esthétique plus habile, la décomposition mauve qui séduisit, au soir de son adolescence, Barrès ennuyé déjà de vivre parce que décidé à se laisser tromper, du haut des remparts de carton-pâte d’Aigues-Mortes, par un parfum de mort précieuse. Le symbole le perdit. Ivre de fleurs fatiguées, avant même la Chambre des Députés, la Ligue des Patriotes, il est traître à soi-même. Et certes comment osa-t-il parler même d’un culte du moi, puisque son esprit insuffisant à ses grands desseins se rattrapait à des facilités antipoétiques.

Qu’il s’agisse d’Aigues-Mortes ou de la forteresse individualiste, derrière le papier mâché des plus vieilles métaphores où ils se réfugient eux et leurs vieux troupeaux, comment nos partisans d’ordre à tout prix comprendraient-ils que la poésie est un risque ? Ce ne sont ni les effets du costume ou de l’attitude, ni le romantisme du geste, ni les draperies qui nous touchent chez les plus hautains fantômes. Comme le disait le professeur Curtius, de Louis Aragon, dans un récent article, ils ont renoncé à la beauté, ce prétexte, en faveur de la poésie. Et c’est pourquoi nous les avons suivis jusqu’au plan où Max Ernst nous apprend qu’au-dessus des nuages marche la minuit. Au-dessus de la minuit plane l’oiseau invisible du jour. Un peu plus haut que l’oiseau, L’éther pousse. Les murs et les toits flottent.

Poésie, risque, amour. Un visage se répète en bouquets.

Visage perceur de murailles, constate le poète Paul Éluard, et de la planète minuscule, c’est un départ pour des pays sans limite.

Des oiseaux, alors, s’allument en plein ciel. La Terre