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est nu. Mais on est toujours nu sous quelque chose, découvre-t-elle soudain. Le nègre de Genève était nu sous du velours vieux-rose, comme ses frères non exilés nus dans la simple, l’éclatante chaleur du jour. Nu, il n’y a de bonheur que pour les corps libérés de leurs vêtements. Alors de sa d’azur l’adolescent, l’ouvrier siffleur va-t-il sortir, comme des flots, le dieu de la mer. Ici serait la plus miraculeuse des plages, mais si elle touche même du bout du doigt, ce garçon qu’elle ne connaissait pas ce matin, comment oser continuer à vivre ? Et l’herbe qui rougira entre les pavés de la chère rue Agrippa-d’Aubigné. L’Européenne a honte. Pas la sauvageonne qui s’approche, se hausse sur la pointe des pieds, parce qu’elle veut que ses dents cognent contre celles du siffleur. Déjà, collée à un corps dont l’impatience des petits doigts noirs éprouvent le désir, pour mieux se rappeler la poitrine, le ventre, les cuisses de ses compagnons de jeu au plein soleil des midis d’Afrique, elle ferme les yeux et une vague la ramène au pays des impudeurs géantes, des pluies tropicales, de l’amour.

L’enfant qui devient femme, appuyée contre un mur, pleure.

Elle hait la rue Agrippa-d’Aubigné, les négresses, les voyous, le monde entier.