Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’il voûtait lui faire payer cette petite somme avec les Intérêts depuis 1791, elle était toute prête à lui consacrer sa voix, sa plume éloquente et toutes les facultés de son génie.

Il paraît que le consul Buonaparté n’a pas jugé que les avantages de cette proposition fussent de son côté ; il a refusé de souscrire à cet engagement réciproque, et Mme de Staël a voulu s’en expliquer directement avec le premier consul, qui lui a fait la malice de la recevoir en grande compagnie dans le salon de sa femme. — Madame de staël, lui a-t-il dit avec un ton de familiarité sérieuse et perfide : je suis bien aise que vous ayez désiré me connaître.

Vous êtes encore plus belle et plus gracieuse que je ne croyais.

Combien avez-vous d’enfans ?

Les avez-vous nourris ?

Avez-vous des vignes à Coppet ?

Avez-vous été voir la pie voleuse ?

On dit que nous avons à Paris la pie séditieuse…

Et du reste, pas un mot de politique ou d’accommodement financier. Mme de Staël en est dans une irritation formidable, et je ne sais pas à qui va rester la victoire entre ces deux puissances de la révolution ? Dans tous les cas je ne fais aucun vœu pour Mme de Staël : nous avons joui de ses premières œuvres et je connais déjà son savoir-faire ! — Convenez, Mme la Baronne, convenez avec moi, qu’en fait de tentatives de réforme sociale et de félicité publique, lui disait M. Bergasse avec son ton discret et modéré, vous n’avez pas la main heureuse !…