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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

me souviendrai toujours de la Duchesse de Fitz-James qu’on y voulait absolument conduire auprès du Maréchal de Lowendal, pour lui chanter des couplets sur la prise de Bergop-Zoom, en lui soutenant qu’elle avait une voix superbe, et parce qu’on la prenait pour Mme Lempereur, la femme du joaillier.

Mme la Comtesse de Toulouse et Mme de Carignan, légitimée de Savoie, furent assises au plus près de Monsieur le Dauphin, ce qui ne pouvait mécontenter personne. L’illégitimité française à la droite du Prince, et l’étrangère à sa gauche, ainsi que de raison. Ma place était à côté de Monsieur, qui mangea de grand appétit, suivant sa coutume, et qui n’en parla pas moins agréablement. M. le Comte d’Artois n’était pas à ce banquet, et je ne sais plus pourquoi. Mme de Tessé n’avait pas manqué de profiter de la bonne occasion pour s’envoler à tire d’aile et s’en aller souper au coin de son feu. Plût à Dieu que j’en eusse fait autant ! car en m’en retournant, à deux heures du matin, je fus accrochée par un équipage à la livrée d’Orléans, sur le Pont-au-Change, et mon carrosse y fut culbuté sur un monceau de pavés. Un de mes chevaux ne pouvait s’en relever, mon cocher avait l’épaule démise et j’étais couverte de contusions. Vous pouvez bien supposer que mon carrosse était en mauvais état ; mais je ne voulus pas monter dans celui qui m’avait renversée (bien qu’il fût à vide), et je fis dire à ces manans du Palais-Royal que ce serait une marque de confiance et de familiarité que je ne prendrais certainement pas avec M. le Duc d’Or-