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SOUVENIRS

rentrai au château à la nuit close et dans un état d’agitation fiévreuse ; je laissai procéder à mon coucher comme à l’ordinaire, et je me relevai tout aussitôt que mes deux valets de garde-robe se furent éloignés. Il était tout au plus dix heures du soir, mais comme mes parens se trouvaient à Rambouillet avec leur cour, il n’y avait dans le château que les personnes de la conciergerie avec les gens nécessaires à mon service, et je me promettais bien de sortir de mon appartement avec assez de précaution pour ne pas leur donner l’éveil. Il me semble, au reste, que personne n’aurait eu assez l’autorité de me retenir. On ne me voyait jamais faire aucun acte de puérilité dangereuse ou déraisonnable ; tous les domestiques de la maison de mon père m’affectionnaient beaucoup et me craignaient un peu ; enfin, mon Gouverneur était à jouer au trictrac avec l’Abbé de Florian, dans mon grand cabinet, ce qui les empêcha de m’entendre ouvrir la fenêtre de ma chambre. Je descendis en me cramponnant avec les mains, les pieds et les dents, à tous les reliefs et les ornemens sculptés sur les murs de ma tourelle ; j’atteignis bientôt la petite porte qui s’ouvre sur la Thymerale et je m’élançai hors du parc, en bondissant comme un daim !

« Je ne sais comment je ne fus pas surpris d’apercevoir de la lumière dans cette petite maison où Geneviève et sa mère auraient dû se trouver « endormies dans l’obscurité, au village, à l’heure qu’il était et pendant l’hyver ?… Mais, du reste