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HAMILTON


1640 — 1720



Je n’ai jamais traversé la forêt de Saint-Germain sans me souvenir à la fois de Shakspeare et d’Antoine Hamilton. N’est-ce pas sons ces ombrages que l’histoire copia, vers les dernières années du xvn e siècle, les plus romanesques inventions de l’idylle et de la comédie ? La Cour de Jacques II exilé n’affecta-t-elle pas les mœurs pastorales et galantes de l’agréable compagnie que le poëte d’As you like it réunit autour d’un souverain sans couronne sous les chênes de cette forêt des Ardennes où le vent d’hiver siffle moins haut que les sarcasmes de Jacques le Mélancolique ? Antoine Hamilton lui-même n’est-il pas le frère cadet de Jacques, comme lui contemplateur désabusé d’un monde qu’il ne se déciderait pas à quitter, comme lui dériseur des folies amoureuses qui furent, tant que dura la jeunesse, son tourment, son charme et sa gloire, comme lui sensible encore, après tant d’illusions perdues, aux chansons et aux petits vers ? Tous deux ont de l’imagination dans leur esprit ; tous deux trouvent la nouveauté de l’expression dans le naturel de la parole (et il pourrait être piquant de comparer les étincelantes divagations de Jacques attendri par les larmes du daim qui va mourir à la Relation d’une partie de chasse près du marquisat de Nointel, où Hamilton brode les plus sémillantes variations sur la misère d’un pauvre cerf traqué par les veneurs) ; tous deux, dans leur retraite, ont gardé les délicates habitudes des palais où ils apprirent la vie ; ce sont demi —dieux citadins qui, en émigrant aux bois, n’ont pas daigné se travestir en Faunes ! Jacques est plus poëte, je le sais bien, et son caprice, moins régulier, a des ailes ! C’est que Jacques est né au royaume de féerie, entre le nid d’Ariel et le berceau de Juliette ; Hamilton a vécu au royaume de France, entre Bussy et Fontenelle !

N’insistons pas sur un parallèle où Hamilton aurait trop à perdre.