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murs et au plafond d’un papier rouge et noir, et éclairée par une seule fenêtre dont les carreaux, jusqu’aux pénultièmes inclusivement, étaient dépolis « afin de ne voir que le ciel », disait-il. »

Les notes de M. Prarond ajoutent à ces renseignements un détail qui a son prix, car il nous montre le futur critique d’art faisant son éducation à ses dépens. Passionné alors pour les vieux maîtres, Baudelaire croyait avoir découvert des Bassan, et quand on l'allait voir, on le trouvait en contemplation devant des toiles de l’école italienne[1]. À M. Hignard il affirma même

  1. M. Le Vavasseur complète ce récit par un curieux commentaire : « Les Bassan et les meubles étranges qui ornaient le logis de Baudelaire, provenaient, je crois, d’une source indiquée par Molière dans l'Avare et qui, dès ce temps, alimentait les fils de famille, à court d’argent. » Le jeune poète était, en effet, la proie d’un brocanteur dont le magasin se trouvait au rez-de-chaussée de l’hôtel Pimodan. Cet homme abusa de l’inexpérience de son client pour lui faire prendre des engagements très onéreux qui pesèrent sur toute sa vie. Les embarras et les poursuites judiciaires, qu’ils entraînèrent, furent au nombre des causes qui lui firent quitter Paris pour Bruxelles en 1864. Le 2 septembre de cette année-là, il écrivait à M. Ancelle : « Vous connaissez par cœur l’affaire A… Je crois sérieusement que j’ai reçu de lui quatre mille francs. Je lui ai souscrit, dans ma jeunesse, des effets pour quinze mille francs. » Après la mort de son fils, Mme Aupick, sur le conseil de M. Ancelle, contesta la légitimité de cette créance qui fut réduite de plus de moitié, par arrêt du tribunal de la Seine. Dans une lettre à la mère de son ami, Asselineau la félicite de cet heureux dénouement de son procès.
    Baudelaire avait d’ailleurs, bien avant qu’il ne fût de mode, le goût du bric-à-brac. À travers sa correspondance (v. lettres à Ancelle, Nadar, Mme Sabatier notamment), nous le voyons très souvent parler d’un dessin, d’une écritoire, d’estampes japonaises, etc. etc., découverts chez les marchands de curiosités. Il prisait fort aussi les belles reliures et faisait habiller luxueusement, par Cape ou Lortic, les livres que ses amis lui envoyaient. Ces dépenses, on pense bien, n’allaient pas sans écorner considérablement son maigre revenu.