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Ah, César ! vos détours sont trop ingénieux :
Plus sincère que vous, je m’expliquerai mieux.
De Sextus, il est vrai, je dois être l’épouse ;
Loin de vouloir tromper votre flamme jalouse,
J’avouerai sans rougir que nous avons tous deux,
Malgré tant de malheurs brûlé des mêmes feux.
Mais quel que soit l’amour qu’il inspire à Tullie,
Si vous m’aimez encor, je vous le sacrifie ;
Vous pouvez d’un seul mot rendre mon sort heureux.
Parlez, me voilà prête à contenter vos voeux,
Un si grand sacrifice est le prix de mon père,
Rendez à ma douleur une tête si chère,
Apprenez-moi du moins ce qu’il est devenu.

Octave

Herennius ici n’a point encor paru.
Mécène, en attendant prenez soin de Tullie ;
Je vais sur Cicéron interroger Fulvie.

Tullie

Non, César, demeurez... mais quel objet nouveau,
Vient frapper mes regards sous ce triste tableau ?
Hélas ! je reconnais la céleste tribune,
Que mon père occupait avant son infortune ;
C’est de là, que rempli d’un feu toujours divin,
Il semblait prononcer les arrêts du destin ;
Plus j’ose l’observer, plus ma frayeur augmente.
Mécène... la tribune... elle est toute sanglante !
Ce voile encor fumant cache quelque forfait.
N’importe, je veux voir : dieux ! quel affreux objet !

Elle monte à la tribune et lève le voile.

La tête de mon père... Ah ! monstre impitoyable,
À quels yeux offres-tu ce spectacle effroyable ?

Octave

L’horreur qui me saisit à ce terrible aspect,
Pourrait justifier l’homme le plus suspect.
On n’en peut accuser que la main de Fulvie.

Tullie

La tienne a-t-elle moins fait voir de barbarie ?
Ne lui conteste point un coup digne de toi.
Ô Sextus ! tout est mort et pour vous et pour moi.
Traître, pour assouvir la fureur qui t’anime,

Elle se tue.

Tourne les yeux : voilà ta dernière victime.

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