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Ou si c’est un forfait que d’aimer les Romains,
Implacable tyran, détruis tous les humains.
C’est dans la cruauté que brille ton courage.

Octave

Ah, c’est pousser trop loin le mépris et l’outrage !
Adieu, je t’abandonne à mon inimitié.

Cicéron

Va, fuis, je l’aime mieux encor que ta pitié ;
Celle de tes pareils à la fois déshonore,
Et celui qu’elle épargne et celui qui l’implore.

Seul.

Mais que sont devenus mes enfants malheureux,
Depuis l’instant fatal qui m’a séparé d’eux ?
Ma fille dans sa fuite a-t-elle été surprise,
Ou Sextus aurait-il manqué son entreprise ?
Hélas ! de Tusculum s’ils ont pris le chemin,
Dans mes tristes foyers ils m’attendront en vain,
Je ne reverrai plus ce couple que j’adore.
Eh puis-je désirer de les revoir encore ?
J’obtiens le seul honneur que j’avais tant souhaité ;
Et du moins je pourrai mourir en liberté...


Scène IV

Cicéron, Sextus, Tullie.
Cicéron

 Mais je vois mes enfants ; chers témoins de ma joie,
C’est pour la partager que le ciel vous envoie ;
Le destin va bientôt terminer mes malheurs,
Et mon sort est trop beau pour mériter des pleurs.
Viens, ma fille, jouis des honneurs de ton père ;
Vois, lis sur ce tableau la fin de ma misère ;
Sextus, vous m’avez vu le front humilié,
Que parmi ces grands noms, le mien fut oublié,
Je me plaignais à tort des mépris d’un barbare,
Pardonnons-lui tous deux un affront qu’il répare.

Tullie

Seigneur, est-ce donc là ce destin glorieux,
Qui doit être pour nous si grand, si précieux ?
Mourir dans les tourments, victime de Fulvie,
C’est mourir dans l’opprobre, et dans l’ignominie.