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J’attendais encor plus de ton adolescence :
Tu m’as trompé. Les coeurs remplis d’ambition,
Sont sans foi, sans honneur, et sans affection.
Occupés seulement de l’objet qui les guide,
Ils n’ont de l’amitié que le masque perfide ;
Prodigues de serments, avares des effets,
Le poison est caché même sous leurs bienfaits.
La gloire d’un grand homme est pour eux un supplice,
Et pour lui, tôt ou tard, devient un précipice :
Je n’espère plus rien et je crains encor moins,
Garde pour tes amis tes bontés et tes soins :
Pour en être, il faudrait aimer la tyrannie.

Octave

Déchire le bandeau d’une aveugle manie,
Erreur dont ton orgueil s’est laissé prévenir,
Et rougis des discours que tu m’oses tenir.
Que peut me reprocher ton injuste colère ?
Qu’ai-je fait qu’avant moi n’eût fait ici mon père ?
N’obéissait-on pas lorsque César vivait ?

Cicéron

Sois seulement son ombre, et je suis ton sujet.
Du bonheur des humains sage dépositaire,
En faisant toujours bien, ne songe qu’à bien faire ;
Sois clément, vertueux, et rétablis les lois,
Je serai le premier à te donner ma voix ;
Mais tant que je verrai des tigres en furie,
Déchirer les enfants de ma triste patrie,
Je ferai de mes cris retentir l’univers,
Et je les porterai jusque dans les Enfers.

Octave

Pour me livrer la guerre avec plus d’assurance,
Des hommes et des temps pèse la circonstance :
Mon père n’eut jamais que sa gloire à venger,
Ainsi César pouvait pardonner sans danger ;
Pour un autre César il n’eut point à proscrire.
Qui d’ailleurs eût osé lui disputer l’empire ?
Je ne suis entouré que de vils sénateurs,
Opprobres des humains, lâches perturbateurs,
Que se fût immolés la justice ordinaire,
Dont Brutus a voulu lui-même se défaire,
Et que ce meurtrier n’a laissés dans ces lieux
Que pour m’assassiner ou me rendre odieux.
Car de mes ennemis l’indigne politique,
Ne tend qu’à me charger de la haine publique.
Mais en de vains discours, c’est trop nous engager,