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ACTE III


Scène I

Cicéron, Tullie, Sextus.
Cicéron

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 Héritier des vertus du plus grand des Romains,
Si digne de mémoire et des honneurs divins,
Adoré dans la paix, redouté dans la guerre,
Qui vit parer son char du globe de la terre,
Fils de Pompée enfin, à cet auguste nom,
Vous daignez allier celui de Cicéron :
Je ne vous ceindrai point le front d’un diadème ;
Je n’ai plus de trésors que cet autre moi-même ;
Ô mon fils, puisse-t-il faire votre bonheur,
Et vous être aussi cher qu’il le fut à mon coeur ;
Et vous, unique bien, que le destin me laisse,
Délices de ma vie, espoir de ma vieillesse,
Qui n’avez plus pour dot que mon âme et mes pleurs,
Puissiez-vous n’hériter jamais de mes malheurs.
Je veux avant ma mort que ma main vous unisse ;
J’ai promis à Sextus ce tendre sacrifice,
Mais après cet hymen qui va combler vos voeux,
Fuyez, éloignez-vous d’un père malheureux :
Je ne veux plus vous voir dans une triste ville,
Où les morts même ont peine à trouver un asile.
Approchez, mes enfants, venez, embrassez-moi,
Jurez-vous dans mon sein une constante foi,
De nos derniers adieux scellons une alliance
Que nous désirions tous avec impatience.
Que vois-je ? On se refuse à mes embrassements.

Tullie

Qu’exigez-vous de nous dans ces cruels moments ?
Quoi ! lorsqu’avec bonté votre amour nous assemble,
Ne nous unissez-vous que pour mourir ensemble ?
Et comment sans frémir pouvez-vous ordonner,
À Sextus comme à moi de vous abandonner ?
Quel nouveau désespoir contre nous vous anime ?
De nos soins mutuels nous feriez-vous un crime ?
C’est vous-même, Seigneur, qui dans ce triste jour,