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près de moi sait qu’il n’a rien à craindre ;
Comme il s’agit de Rome, à ce nom si chéri
Je suis sûr de trouver votre coeur attendri,
Et que vous me verrez ici sans répugnance.

Cicéron

Comment avez-vous pu désirer ma présence ?
César, en quel état vous offrez-vous à moi ?
Ah ! ce n’est ni son fils, ni César que je vois ;
Vos mains n’en ont que trop souillé la ressemblance,
Et Rome n’en peut trop pleurer la différence :
Malheureux, pouvez-vous, sans l’inonder de pleurs,
Sur son sein déchiré déployer vos fureurs ?
Ô, César, ce n’est pas ton sang qui l’a fait naître,
Brutus qui l’a versé méritait mieux d’en être ;
Le meurtre des vaincus ne souillait point tes pas,
Ta valeur subjuguait, mais ne proscrivait pas ;
Si tu versais du sang pour soutenir ta gloire
De ta clémence en pleurs tu parais la victoire,
Et vous, sans redouter l’exemple de sa mort,
Vous semblez n’envier que son funeste sort ;
Peu jaloux d’hériter de ses sages maximes,
Cruel, vous ne songez qu’à parer des victimes.

Octave

D’un reproche odieux qui blesse mon honneur,
Cicéron, modérez l’indiscrète rigueur,
Mais pour justifier un discours qui m’étonne
Et que mon amitié cependant vous pardonne,
César, que vous venez de placer dans les cieux,
Et que pour m’abaisser vous égalez aux dieux,
En quels lieux, répondez, a-t-il perdu la vie ?
Fut-ce aux bords de la Seine ou dans Alexandrie ?
Est-ce aux champs de Pharsale où pour votre bonheur
La victoire à genoux couronnait sa valeur ?
Non, ce fut au Sénat, et dans le sein de Rome,
Que l’on osa trancher les jours de ce grand homme.
Et vous m’osez blâmer de répandre le sang
De ceux dont la fureur lui déchira le flanc !
Quel autre ai-je proscrit, orateur téméraire ?
Je voudrais en pouvoir couvrir toute la terre :
Quelque sang qu’à sa mort j’ose sacrifier
Je n’en connais aucun digne de l’expier :
Du meurtre de César condamner la vengeance,
C’est des plus noirs forfaits consacrer la licence.

Cicéron

Un meurtre, quel qu’en soit le prétexte ou l’objet,