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prendre,
Je sais tout, j’ai tout vu, cessez de vous défendre ;
J’ai trop aimé Pompée et trop connu ses fils
Pour croire qu’à Sextus mes yeux se soient mépris ;
Je viens de l’entrevoir.

Cicéron

Eh bien, si de son père
La mémoire aujourd’hui peut vous être encor chère,
Loin de rougir des biens qu’il répandit sur vous,
Qu’un noble souvenir vous les rappelle tous ;
De ce nom si vanté ranimons la puissance
Et d’un fils malheureux embrassez la défense ;
Détruisons les tyrans et le triumvirat,
Ou formons-en un autre appuyé du Sénat ;
Qu’aux transports d’un ami votre vertu réponde,
Devenons les soutiens et les maîtres du monde,
Mais ne le soumettons à notre autorité
Que pour donner aux lois toute leur liberté.

Lépide

De ce rare projet j’admire la noblesse,
J’en conçois la grandeur encor mieux la faiblesse ;
Je vois des généraux qui n’auront pour soldats
Que des proscrits errant de climats en climats ;
Croyez-moi, Cicéron, votre unique espérance
Est de pouvoir d’Antoine éviter la vengeance :
Fuyez avec Sextus, ou fuyez avec moi,
Choisissez l’un de nous, et comptez sur ma foi ;
Mais pour jamais de Rome il faut que je m’exile,
Pour la dernière fois, je vous offre un asile ;
Adieu.

Cicéron

Seul.

Faible tyran, garde pour tes pareils
Ton amitié, tes soins, ta honte, et tes conseils ;
Lâche, plus digne encor de mépris que de haine,
Déjà le jour plus grand m’annonce que Mécène,
Qui dans ce trouble affreux s’intéresse à la paix,
Doit être dès longtemps rentré dans ce palais.
Allons ; mais il est temps que j’instruise ma fille
D’un secret qui peut perdre ou sauver ma famille ;
Sur nos desseins communs craignons moins d’alarmer
Un grand coeur qui sait plus que de savoir aimer :
De ses frayeurs pour moi, Sextus qui se