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Voilà les sentiments qu’a dû vous inspirer
Cette gloire où vous seul avez droit d’aspirer ;
Mais laissez-moi le soin d’une tête si chère,
Daignez me confier et la fille et le père,
Que je puisse, en sauvant des jours si précieux,
Me flatter avec vous d’un retour en ces lieux ;
Conservons au Sénat un ami si fidèle,
À Rome, un magistrat qui fût si digne d’elle,
Dans notre exil commun venez me consoler,
Voulez-vous qu’à mes yeux je vous voie immoler ?
D’Octave prévenant redoutez les finesses,
Mais craignez encor moins son art que ses promesses ;
Je vais guider vos pas en des lieux écartés
Où l’on ne peut jamais vous découvrir.

Cicéron

Partez ;
J’aurai moins à rougir de me donner un maître
Que de suivre un ami si peu digne de l’être :
Que César me soutienne ou me manque de foi,
Antoine, vous, et lui, tout est égal pour moi.
Si le destin me garde une fin malheureuse
La fuite ne pourrait que la rendre honteuse.
Je n’ai connu qu’un bien, c’était la liberté ;
Je l’ai perdu. Grands dieux, qui me l’avez ôté,
Que ne m’arrachiez-vous une importune vie
Qu’en vain votre courroux réserve à l’infamie !

Lépide

Je ne vous presse plus, mais avant mon départ
D’un secret important je veux vous faire part :
Sextus, que l’on croyait au rivage d’Ostie,
Est depuis quelque temps caché dans l’Italie ;
Je soupçonne de plus qu’il pourrait être ici ;
Gardez-vous d’embrasser ce dangereux parti,
Celui des conjurés serait moins sûr encore,
Ce sont des assassins que l’univers abhorre ;
Et si jamais César peut découvrir Sextus,
Vous vous perdez tous deux ainsi que Metellus.

Cicéron

Que m’importe Sextus, et que voulez-vous dire ?

Lépide

Ce que pour vous sauver mon amitié m’inspire.
En vain vous prétendez, sous le nom d’un Gaulois,
Nous cacher un guerrier connu par tant d’exploits :
Cicéron, mon dessein n’est pas de vous sur