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Et si quelque soupçon peut encore te séduire,
Tysapherne paraît qui pourra le détruire ;
Daigne l'interroger.

Tysapherne.

Vos soins sont superflus,
Barbares ; laissez-moi, je ne me connais plus.
Que vois-je ? Darius ! Ah ! Prince magnanime,
Que j'ai craint de vous voir succomber sous le crime !
Quoi, vous vivez encore ! Mes voeux sont satisfaits :
Le ciel, sans m'effrayer, peut frapper désormais.
Je ne craignais, Seigneur, que de voir l'imposture
Triompher aujourd'hui d'une vertu si pure ;
Mais puisque vous vivez, quel que soit mon forfait,
Je vais, en ce moment, l'avouer sans regret.
C'est Artaban et moi, dont la fureur impie,
Du malheureux Xerxès vient de trancher la vie.
Séduit par les projets d'un odieux ami,
Contre la majesté par l'ingrat affermi,
Sur quelque vain espoir, aux forfaits enhardie,
Ma main a seule ici servi sa perfidie.
Il prétendait régner, et vous perdre tous deux ;
Mais craignant de ma part des remords dangereux,
Il en a cru devoir prévenir la justice,
Et le traître n'a fait que hâter son supplice :
Je viens de l'immoler aux Mânes de mon roi.

Artaxerce.

Penses-tu par sa mort t'acquitter envers moi ?...

Tysapherne.

Je ne sais si son sang pourra vous satisfaire,
Mais je puis, sans péril, braver votre colère :
Dans l'état où je suis je ne crains que les dieux.

Artaxerce.

Que je dois désormais te paraître odieux !
Ah ! Mon cher Darius, par quels soins, quels hommages,
Pourrai-je dans ton cœur réparer tant d'outrages ?

Darius.

Seigneur, vous le pouvez ; rendez-moi le seul bien
Qui puisse désarmer un cœur comme le mien.

Artaxerce.

Si sur le moindre espoir, je pouvais y prétendre,
Ce bien n'est pas celui que je voudrais te rendre ;
J'en connais trop le prix, mais malgré mon ardeur,
Prince, je ne sais pas tyranniser un cœur.
Dès qu'on a pu porter l'amour de la justice