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Ce bras qui l'aurait dû déjà sacrifier ?
Signalez, par les soins d'une prompte vengeance,
Votre justice ainsi que votre prévoyance ;
Songez que vous avez plus à le prévenir,
Que vous n'avez encor, Seigneur, à le punir.

Artaxerce.


Vous ignorez encore combien je suis à plaindre,
Non point par les périls que vous me faites craindre,
Mais par le souvenir d'un frère trop chéri,
Que je ne puis frapper sans en être attendri ;
On l'a jugé coupable, et c'est fait de sa vie.
Mais avant qu'à Xerxès mon cœur le sacrifie,
Je veux le voir encore dans ses derniers moments ;
Je n'en saurais vouloir trop d'éclaircissements.

Artaban.

Sur quoi prétendez-vous que l'on vous éclaircisse ?
Pourriez-vous de ma part craindre quelque artifice ?

Artaxerce.

Non ; mais je veux enfin, quoiqu'il soit condamné,
Voir encore un moment ce prince infortuné :
Qu'on se garde, surtout, de hâter son supplice.

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Scène IV

Artaxerce, Artaban.
Artaxerce. seul

Toi qui de ma douleur attends ce sacrifice,
Ombre du plus grand roi qui fut dans l'univers,
Qu'une barbare main fit descendre aux Enfers,
Dissipe les horreurs d'un doute qui m'accable.
Le vengeur est tout prêt, montre-moi le coupable ;
N'expose point un cœur qu'irrite ton trépas,
À des crimes certains pour un qui ne l'est pas ;
Prends pitié de ton sang ; fais que ma main funeste,
En croyant le venger, n'en verse pas le reste.
Je ne sais quelle voix me parle en sa faveur,
Mais jamais la pitié n'attendrit tant un cœur.
Dieux vengeurs des forfaits, appuis de l'innocence,
Vous sur qui nous osons usurper la vengeance,
Grands dieux, épargnez-moi le reproche fatal
De n'avoir immolé peut-être qu'un rival.

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