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Barsine peut compter que c'est fait de ses jours.

Barsine.

C'en est donc fait, Seigneur, vous n'avez plus de fille.

Artaban.

Opprobre désormais d'une illustre famille,
Et qu'importe à ton père ou ta vie, ou ta mort ?
Va, fuis loin de mes yeux, crains un juste transport.
On vient. Éloigne-toi, si tu ne veux d'un père
Éprouver ce que peut une juste colère.

Barsine. sort

Ce n'est point par des pleurs que l'on peut émouvoir
Un coeur qui ne connaît amour, lois, ni devoir.
Artaxerce paraît, achevons notre ouvrage ;
Mais avant que ce coup signale mon courage,
Je veux que par mes soins Darius immolé,
Soulève contre lui le peuple désolé ;
Faisons-en sur lui seul tomber toute la haine.

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Scène III

Artaxerce, Artaban.
Artaban.

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Vous soupirez, Seigneur, un soin secret vous gêne ;
Mais de votre pitié reconnaissez le fruit.
Par les pleurs d'Amestris tout le peuple est séduit ;
L'ingrate n'écoutant que l'amour qui la guide,
Rejette sur vous seul un affreux parricide.
On l'a vue en fureur s'échapper de ces lieux,
Porter de toutes parts ses pleurs séditieux.
À sauver Darius Babylone s'apprête,
À moins que par sa mort votre main ne l'arrête.
De ses fausses vertus un vain peuple abusé,
Malgré le crime affreux dont il est accusé,
Non seulement, Seigneur, le plaint et lui pardonne,
Mais va jusqu'à vouloir le placer sur le trône.
Si jamais Darius échappe de vos mains,
Pour vous le conserver nos efforts seront vains ;
Les soldats éblouis, plus touchés de sa gloire
Qu'indignés d'un forfait si difficile à croire,
Ardents à le servir, viendront de toutes parts,
À flots impétueux, grossir ses étendards.
Jugez alors, jugez, si bourreau de son père,
Sa main balancera pour immoler un frère,
Qui retient en faveur d'un lâche meurtrier,