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Barbare, c'était donc à ce funeste usage
Que ta main réservait un si précieux gage ?
Prince, je n'ai besoin, pour me justifier,
Que de ce même fer qu'il s'est fait confier.
Il a feint qu'Amestris...

Artaxerce.

Ah ! misérable frère,
Malheureux assassin de ton malheureux père,
Que peux-tu m'opposer qui puisse dans mon cœur
Balancer ce témoin de ta noire fureur ?
Juste ciel ! Se peut-il que de tels sacrifices
De mon règne naissant consacrent les prémices ?

Darius.

C'en est fait, je succombe, et mon cœur abattu,
Contre tant de malheurs, se trouve sans vertu.

Armestris.

Défends-toi, Darius, que ton cœur se rassure :
L'innocence a toujours confondu l'imposture ;
C'est un droit qu'en naissant elle a reçu des dieux
Qui partagent l'affront qu'on te fait en ces lieux.

Darius.

Je n'en ai que trop dit, et la fière innocence
Souffre malaisément une longue défense.
Quoi ! Vous voulez, Madame, encore m'humilier
Au point de me forcer à me justifier ?
De quel droit mon sujet, paré d'un plus haut titre,
Du destin de son roi deviendra-t-il l'arbitre ?
Né le premier d'un sang souverain en ces lieux,
Je ne connais ici de juges que les dieux.

Artaxerce.

Ne crains point qu'abusant du pouvoir arbitraire,
Ton frère de ton sort décide en téméraire ;
Du sang de tes pareils on ne doit disposer,
Qu'au poids de la justice on ne l'ait su peser.
Tout parle contre toi, mais telle est la victime,
Qu'il faut, aux yeux de tous, la convaincre de crime ;
Pour en décider seul, mon cœur est trop troublé.
Allez ; que par vos soins le Conseil rassemblé,
Se joigne en ce moment aux Mages de la Perse ;
C'est sur leur voix que doit prononcer Artaxerce ;
Consultons sur ce point les hommes et les dieux ;
Vous, observez le prince, et gardez-le en ces lieux.