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Le perfide, occupé d'un amour odieux,
Ne songe qu'aux apprêts d'un funeste hyménée,
Qui peut-être sera ma dernière journée.
Que dis-je ? Où ma douleur me va-t-elle engager ?
Artaxerce paraît, songeons à nous venger :
Puisqu'avec lui les lois ordonnent que je règne,
Offrons-lui cette main qu'un parjure dédaigne ;
Profitons du moment ; peut-être que demain,
Malgré tout mon courroux, je le voudrais en vain.

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Scène II

Artaxerce, Amestrix, Phénice.
Artaxerce.

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Le rival d'un héros si digne de vous plaire,
Un prince que séduit un amour téméraire,
Qui vient, sans votre aveu, de le faire éclater,
Malgré le peu d'espoir dont il doit se flatter,
Sans crainte d'offenser les charmes qu'il adore,
Peut-il à vos regards, se présenter encore ?
Madame, pardonnez ; non, je n'ignore pas
Tout le devoir d'un cœur épris de vos appas ;
Mais aurais-je voulu, sans vous offrir l'empire,
Apprendre à l'univers que pour vous je soupire ?
N'osant vous faire entendre une timide voix,
J'ai fait parler pour moi l'autorité des lois ;
Non que fier du haut rang dont on me favorise,
À contraindre vos voeux mon amour s'autorise,
Je ne voulais régner que pour me faire honneur
D'en être plus soumis au choix de votre cœur,
D'autant plus résolu de ne le pas contraindre,
Que mon amour tremblant semble avoir tout à craindre ;
Que je vous vois déjà détourner, malgré vous,
Des yeux accoutumés à des objets plus doux ;
Qu'enfin je ne vois rien qui ne me désespère.
Que de maux, sans compter les vertus de mon frère !

Amestris.

Seigneur, il me fut cher, je ne veux point nier
Un feu que tant de gloire a dû justifier.
Tant que l'ingrat n'a point trahi sa renommée,
J'ai fait tout mon bonheur, Seigneur, d'en être aimée ;
Je le ferais encore, si lui-même aujourd'hui
N'avait forcé ma gloire à se venger de lui.