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Où vous plaçaient mes voeux encore plus que le sang ;
Croyez qu'en me parant de la grandeur suprême,
Xerxès n'a sur son choix consulté que lui-même,
Et qu'enfin je ne veux souscrire aux dons du roi
Qu'autant que vous voudrez en jouir avec moi.

Darius.

Content par ma valeur d'en être jugé digne,
Je renonce sans peine à cet honneur insigne,
Et si je suis touché de quelque déplaisir,
C'est de voir que mon frère ait osé s'en saisir.
Souffrir que l'on me fît une mortelle injure !
Et vous ne voulez pas que mon cœur en murmure ?
Malheureux que je suis ! Faut-il, en même jour,
Voir s'armer contre moi la nature et l'amour,
Et me voir, par des mains qui me furent si chères,
Arracher sans honneur du trône de mes pères ?
Ô sort ! Pour m'accabler te reste-t-il des traits ?

Artaxerce.

Ah ! daignez par pitié m'épargner ces regrets.

Darius.

Eh, pourquoi voulez-vous que je m'en prive encore,
Lorsque tout me trahit quand on me déshonore ?
Lorsqu'au lieu des bienfaits que j'avais mérités
Je me vois accabler de mille indignités ;
Lorsqu'un père cruel ose, avec perfidie,
Sous des prétextes vains m'éloigner de l'Asie,
Troubler des nations qui ne l'offensaient pas,
Bien moins dans le dessein d'agrandir ses États,
Que pour me dépouiller avec plus d'assurance
D'un sceptre dont mon bras est l'unique défense ?
D'autant plus irrité qu'à tout autre qu'à vous
J'aurais déjà ravi l'espoir d'un bien si doux ;
Mais d'autant plus contraint dans ma fureur extrême,
Que je ne puis frapper sans me percer moi-même.
Je ne m'étonne plus de voir de toutes parts
Mes amis éviter jusques à mes regards,
Une amante en courroux me traiter d'infidèle :
Un prince sans États n'était plus digne d'elle.
Pour vous, je l'avouerai, que parmi mes ingrats,
Après ce que je sens, je ne vous comptais pas.
Cruel ! en dépouillant mon front du diadème,
Il ne vous reste plus qu'à m'ôter ce que j'aime ;
Libre de l'obtenir d'une superbe loi,
Que ne m'arrachez-vous et son cœur, et sa foi ?

Artaxerce.

Hé ! Comment