Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/384

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais malgré tes complots et malgré ton audace,
Avant qu'ici du jour la lumière s'efface,
Malgré les soins de ceux qui m'ont osé trahir,
Je te forcerai bien, perfide, à m'obéir.

}}


Scène V

Darius, Bersine, Cléone.
Darius.

{{bloc centré|

Quels discours ! Quels transports ! Et que viens-je d'entendre !
Ô ciel, à cet accueil aurais-je dû m'attendre !
Et depuis quand, chargé de noms injurieux,
Darius n'est-il plus qu'un objet odieux ?
Madame, et quel est donc ce funeste mystère ?
Déplorable jouet des caprices d'un père,
Oserais-je un moment, à l'objet de ses voeux,
Confier la douleur d'un prince malheureux ?
Quel que soit mon destin vous pouvez me l'apprendre,
Je ne veux que savoir, je ne crains point d'entendre.
Vous vous taisez ! Ô ciel, à l'exemple du roi
Tous les coeurs aujourd'hui sont-ils glacés pour moi ?
Hé quoi, Barsine aussi contre moi se déclare ?

Barsine.

Non, je sais mieux le prix d'une vertu si rare.
Croyez, si je régnais sur le cœur de Xerxès,
Que son amour pour vous irait jusqu'à l'excès ;
Que du moins à mes yeux, d'un odieux caprice
Vous n'auriez pas, Seigneur, éprouvé l'injustice ;
Et qu'enfin, si son cœur se réglait sur le mien,
Darius même aux dieux pourrait n'envier rien.
Interdite et confuse encore plus que vous-même,
Je ne puis revenir de ma surprise extrême ;
Tout confond à tel point mon esprit éperdu,
Que je ne sais, Seigneur, si j'ai bien entendu ;
Car enfin ce Xerxès si fier et si terrible,
Jamais à nos désirs n'a paru si sensible.
Hélas ! si vous saviez de quel espoir flatteur
En ce même moment il remplissait mon cœur !
De la part d'un héros chéri de la victoire,
Aimable, généreux et tout brillant de gloire,
Il venait m'assurer d'une constante foi.
Ah ! qu'un retour si tendre aurait d'attraits pour moi,
Si ce même héros, sensible à mes alarmes,