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Quand je ne tiendrais pas de la grandeur suprême
Le droit de disposer du sacré diadème,
Ma volonté suffit pour établir des lois,
Et la terre en tremblant doit souscrire à mon choix.
Et sur quoi jugez-vous que le prince Artaxerce
Soit si peu digne encore de régner sur la Perse ?
Darius, je l'avoue, a quelques faits de plus,
Mais son frère a mon cœur, et n'est pas sans vertus ;
Il sait aimer du moins, et c'est vous qu'il adore.

Amestris.

Dieux ! qu'est-ce que j'entends ?

Xerxès.

Ce n'est pas tout encore.
À son auguste hymen il faut vous préparer,
Et je me suis chargé de vous le déclarer.

Amestris.

Moi, Seigneur ?

Xerxès.

Oui, Madame, il vous a demandée ;
La loi veut qu'à ses feux vous soyez accordée.
Vous savez ce qu'impose une si dure loi.

Amestris.

Ainsi, sans mon aveu l'on dispose de moi ;
On dispense à son gré la grandeur souveraine !
La parole des rois n'est plus qu'une ombre vaine ;
Frein, par qui les tyrans sont même retenus,
Serments sacrés des rois, qu'êtes-vous devenus ?
Quoi ! Seigneur, Artaxerce à mon hymen aspire,
Peu content de priver Darius de l'empire,
Et c'est vous qui pour prix de tant d'exploits fameux
Accablez de ces coups un fils si généreux ?
Mais, Seigneur, c'est en vain qu'à vos ordres suprêmes
Vous joignez une loi qui commande aux rois mêmes.
Je n'ai pas oublié qu'au plus grand des héros
Vous promîtes ma main pour prix de ses travaux.
Vous reçûtes ma foi pour le don de la sienne :
La mort, la seule mort peut lui ravir la mienne.
Il n'est loi ni pouvoir que je craigne en ces lieux :
Les promesses des rois sont des décrets des dieux.
Ainsi, dans quelque rang qu'Artaxerce puisse être,
Darius de ma main sera toujours le maître.
Tout malheureux qu'il est, dépouillé, sans appui,
Jamais de tant d'amour je ne brûlai pour lui.
Hier sur ses vertus il fondait sa victoire,
Mais aujourd'hui, Seigneur, il y va de ma gloire.