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Je priai, menaçai ; je fis plus, je feignis
Que j'étais devenu le rival de mon fils ;
À la fin, je forçai son amour à se taire,
Et le contraignis même à t'en faire un mystère.
Je fis venir alors la princesse Amestris.
À son aspect charmant mon fils parut surpris ;
Soit qu'en effet son cœur brûlât pour la princesse,
Ou qu'il crût à ce prix regagner ma tendresse,
Soit qu'il fût rebuté d'un amour malheureux,
Je crus voir Darius brûler de nouveaux feux.
D'un si juste penchant bien loin de le distraire,
J'offris à son amour la fille de mon frère ;
Mais de Barsine encore respectant les attraits,
Ses feux furent toujours inconnus et secrets :
Artaxerce, lui-même, en ce moment ignore
Qu'Amestris soit l'objet que Darius adore.
Enfin, d'un prompt hymen je flattai son ardeur,
Si de nos ennemis il revenait vainqueur.
Il en triomphe ; et moi, pour toute récompense,
Après 'avoir privé des droits de sa naissance,
Je lui ravis encore le prix de sa valeur.
Qui pourra triompher de sa juste fureur ?
Tu vois de quels soucis mon âme est accablée,
Calme par tes conseils l'effroi qui l'a troublée.

Artaban.

Quels conseils vous donner, Seigneur, lorsque les lois
Sont le plus ferme appui de la grandeur des rois ?
Respectez un pouvoir au-dessus de tout autre,
Si vous voulez, Seigneur, qu'on respecte le vôtre.
Si Darius se plaint, qu'il s'en prenne à la loi,
Qui seule vous contraint à lui manquer de foi.

Xerxès.

Quand il pourrait céder à cette loi suprême,
Amestris voudra-t-elle y souscrire de même ?
Elle aime Darius.

Artaban.

Eh bien ! feignez, Seigneur,
Que Darius retourne à sa première ardeur,
Qu'épris plus que jamais il revient à ma fille ;
À vos moindres desseins je livre ma famille,
Disposez-en, Seigneur, dût Barsine en ce jour
Devenir le jouet d'une ennuyeuse cour.
Pour prévenir les maux qui vous glacent de crainte,
On peut, sans s'abaisser, aller jusqu'à la feinte.
Arsace est dans ces lieux, forcez-le à déclarer