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N'en craignez pas, Seigneur, un injuste reproche.
J'ai reçu par vos mains le prix de mes forfaits :
Puissent les justes dieux en être satisfaits !
Je ne méritais pas de jouir de la vie.

À Zénobie

.

Sèche tes pleurs, adieu, ma chère Zénobie ;
Mithridate est vengé.

Pharasmane

Grands dieux ! Qu'ai-je entendu ?
Mithridate ! Ah ! Quel sang ai-je donc répandu ?
Malheureux que je suis, puis-je le méconnaître ?
Au trouble que je sens, quel autre pourrait-ce être ?
Mais, hélas ! Si c'est lui, quel crime ai-je commis !
Nature, ah ! Venge-toi, c'est le sang de mon fils.

Rhadamisthe

La soif que votre cœur avait de le répandre
N'a-t-elle pas suffi, Seigneur, pour vous l'apprendre ?
Je vous l'ai vu poursuivre avec tant de courroux,
Que j'ai cru qu'en effet j'étais connu de vous.

Pharasmane

Pourquoi me le cacher ? Ah ! Père déplorable !

Rhadamisthe

Vous vous êtes toujours rendu si redoutable,
Que jamais vos enfants, proscrits et malheureux,
N'ont pu vous regarder comme un père pour eux.
Heureux, quand votre main vous immolait un traître,
De n'avoir point versé le sang qui m'a fait naître ;
Que la nature ait pu, trahissant ma fureur,
Dans ce moment affreux s'emparer de mon cœur !
Enfin, lorsque je perds une épouse si chère,
Heureux, quoiqu'en mourant, de retrouver mon père !
Votre cœur s'attendrit, je vois couler vos pleurs.

À Arsame

.

Mon frère, approchez-vous ; embrassez-moi : je meurs.

Zénobie

S'il faut par des forfaits que ta justice éclate,
Ciel, pourquoi vengeois-tu la mort de Mithridate ?

Pharasmane

Ô mon fils ! ô romains, êtes-vous satisfaits !

À Arsame

.

Vous, que pour m'en venger j'implore désormais,
Courez vous emparer du trône d'Arménie.
Avec mon amitié je vous rends Zénobie ;