Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée

Dieux, témoins des fureurs que le cruel médite,
L'abandonnerez-vous au transport qui l'agite ?
Par quel destin faut-il que ce funeste jour
Charge de tant d'horreurs la nature et l'amour ?
Mais je devais parler ; le nom de fils peut-être...
Hélas ! Que m'eût servi de le faire connaître ?
Loin que ce nom si doux eût fléchi le cruel,
Il n'eût fait que le rendre encor plus criminel.
Que dis-je, malheureux ? Que me sert de me plaindre ?
Dans l'état où je suis, eh ! Qu'ai-je encore à craindre ?
Mourons ; mais que ma mort soit utile en ces lieux
À des infortunés qu'abandonnent les dieux.
Cher ami, s'il est vrai que mon père inflexible
Aux malheurs de son fils te laisse un cœur sensible,
Dans mes derniers moments à toi seul j'ai recours.
Je ne demande point que tu sauves mes jours ;
Ne crains pas que pour eux j'ose rien entreprendre :
Mais si tu connaissais le sang qu'on va répandre,
Au prix de tout le tien tu voudrais le sauver.
Suis-moi ; que ta pitié m'aide à le conserver.
Désarmé, sans secours, suis-je assez redoutable
Pour alarmer encor ton cœur inexorable ?
Pour toute grâce enfin je n'exige de toi
Que de guider mes pas sur les traces du roi.

Mitrane

Je ne le nierai point, votre vertu m'est chère ;
Mais je dois obéir, Seigneur, à votre père :
Vous prétendez en vain séduire mon devoir.

Rhadamisthe

Eh bien ! Puisque pour moi rien ne peut t'émouvoir...
Mais, hélas ! C'en est fait, et je le vois paraître.
Justes dieux, de quel sang nous avez-vous fait naître !
Ah ! Mon frère n'est plus !


Scène VI.

Pharasmane, Arsame, Mitrane, Hydaspe, Gardes.
Rhadamisthe