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Plus ton barbare époux est indigne de toi,
Moins tu dois t'offenser de son injuste effroi.
Rends-moi ton cœur, ta main, ma chère Zénobie ;
Et daigne dès ce jour me suivre en Arménie :
César m'en a fait roi. Viens me voir désormais
À force de vertus effacer mes forfaits.
Hiéron est ici : c'est un sujet fidèle ;
Nous pouvons confier notre fuite à son zèle.
Aussitôt que la nuit aura voilé les cieux,
Sûre de me revoir, viens m'attendre en ces lieux.
Adieu : n'attendons pas qu'un ennemi barbare,
Quand le ciel nous rejoint, pour jamais nous sépare.
Dieux, qui me la rendez pour combler mes souhaits,
Daignez me faire un cœur digne de vos bienfaits !


ACTE IV


Scène I.

Zénobie, Phénice.
Phénice

Ah ! Madame, arrêtez. Quoi ! Ne pourrai-je apprendre
Qui fait couler les pleurs que je vous vois répandre ?
Après tant de secrets confiés à ma foi,
En avez-vous encor qui ne soient pas pour moi ?
Arsame va partir : vous soupirez, Madame !
Plaindriez-vous le sort du généreux Arsame ?
Fait-il couler les pleurs dont vos yeux sont baignés ?
Il part ; et, prévenu que vous le dédaignez,
Ce prince malheureux, banni de l'Ibérie,
Va pleurer à Colchos la perte d'Isménie.

Zénobie

Loin de te confier mes coupables douleurs,
Que n'en puis-je effacer la honte par mes pleurs !
Phénice, laisse-moi ; je ne veux plus t'entendre.
L'ambassadeur romain près de moi va se rendre :
Laisse-moi seule.