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d’œuvre de la Savonnerie, que je réserverai ce tapis comme le paysan, transféré de la chaumière dans le palais de son souverain, réserva ses sabots. Lorsque le matin, couvert de la somptueuse écarlate, j’entre dans mon cabinet, si je baisse la vue j’aperçois mon ancien tapis de lisières ; il me rappelle mon premier état, et l’orgueil s’arrête à l’entrée de mon cœur. Non, mon ami, non ; je ne suis point corrompu ; ma porte s’ouvre toujours au besoin qui s’adresse à moi ; il me trouve la même affabilité ; je l’écoute, je le conseille, je le secours, je le plains ; mon âme ne s’est point endurcie ; ma tête ne s’est point relevée ; mon dos est bon et rond comme ci-devant ; c’est le même ton de franchise ; c’est la même sensibilité ; mon luxe est de fraîche date, et le poison n’a point encore agi : mais avec le temps qui sait ce qui peut arriver ? qu’attendre