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quelconque de corps, il y a deux choses à considérer : les forces auxquelles les corps sont soumis pendant la durée de leurs mouvements, et les données initiales, c’est-à-dire les positions que les corps occupaient, et les vitesses dont ils étaient animés à une époque d’où l’on part pour assigner, à l’aide du calcul, toutes les phases par lesquelles le système doit passer ensuite, ou même (sauf certaines restrictions dont nous aurons à parler ailleurs) pour remonter aux phases par lesquelles il a dû passer antérieurement. Pour que les mouvements de notre système astronomique se perpétuent avec la régularité et l’harmonie qui nous frappent, il n’a pas seulement fallu que la matière fût soumise à l’action permanente d’une force dont la loi est très-simple, comme celle de la gravitation universelle ; il a encore fallu que les masses du Soleil et des planètes, leurs distances respectives, leurs distances aux étoiles, leurs vitesses à une certaine époque, aient été proportionnées de manière que ces astres décrivissent périodiquement des orbites presque circulaires et invariables, sauf de légères perturbations qui les altèrent, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, et qui se trouvent resserrées entre de fort étroites limites. C’est là ce qu’on entend par les conditions de stabilité du système planétaire ; et il ne nous est point permis, dans l’état de nos connaissances, de supposer que le phénomène de cette stabilité soit du nombre de ceux qui s’établissent ou se rétablissent par une vertu inhérente aux réactions mutuelles et aux liens de solidarité du système. Que ce phénomène ne soit pas un fait absolument primitif, et qu’on puisse recourir, pour l’expliquer, à des hypothèses plus ou moins arbitraires, ce n’est pas ce dont il s’agit ici ; nous tenons seulement à bien faire remarquer que le fait de ces dispositions initiales dans les parties d’un système matériel, et le fait de la soumission des parties du système à l’action de telles forces permanentes, sont deux faits entre lesquels la raison n’aperçoit aucune dépendance essentielle, et dont l’un n’est nullement la conséquence de l’autre : en sorte que l’accord de ces deux faits, pour l’établissement et le maintien d’un ordre dont l’harmonie nous frappe, entre une infinité d’autres arrangements possibles, n’est pas un résultat nécessaire, et ne peut être attribué qu’à une combinaison fortuite, ou à la détermination d’une cause supérieure qui trouve, dans la fin qu’elle poursuit, la raison de ses déterminations.