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DE LA PSYCHOLOGIE. 545

de l’homme lui-même, considéré dans sa nature corporelle ; et une observation intérieure, qui n’est que la contemplation attentive des faits de conscience, c’est-à-dire des phénomènes psychologiques qui se passent dans la conscience, et qui nous sont immédiatement connus par la conscience que nous en avons. Sans doute cette distinction est fondée, en ce que les matériaux de nos connaissances et de nos idées nous sont fournis, les uns par le rapport des sens proprement dits, les autres par les affections intérieures de notre sensibilité, d’autres enfin par une faculté supérieure à laquelle nous donnons le nom de raison ; mais toutes nos facultés se tiennent, et toutes nos connaissances s’enchaînent. Si le physicien et le naturaliste observent avec les sens, ils observent bien plus encore avec la raison ; et l’on ne peut faire usage de la raison et des sens sans une sorte d’observation intérieure du témoignage que la conscience nous donne des impressions des sens et des conceptions de la raison. Toutefois, lorsqu’on emploie le terme d’observation dans le langage des sciences, lorsqu’on oppose les sciences d’observation aux sciences fondées sur le calcul et le raisonnement, on entend parler d’une observation régulièrement organisée et systématiquement conduite, qui arrive à la découverte de phénomènes cachés, au moyen des liaisons que la raison conçoit entre les phénomènes apparents, et en s’aidant, tantôt de l’artifice des méthodes, comme dans les recherches de statistique, tantôt de l’artifice des instruments, comme en astronomie et en physique. On ne s’avisera pas de dire que l’arithmétique et la géométrie sont des sciences d’observation, parce que, si nous rentrons en nous-mêmes, et si nous y observons ce qu’on appelle les faits de conscience, nous trouverons que nous avons l’idée du nombre, l’idée de l’espace, l’idée de la ligne droite, l’idée des axiomes mathématiques : par exem-

1 « C’est un nom à jamais respectable que celui de la conscience, lorsqu’il signifie le sentiment vif et profond de nos devoirs, de quelque manière que ces devoirs nous soient connus, soit qu’un instinct moral nous les révèle immédiatement, soit que l’expérience et la réflexion nous les aient enseignés ; mais étendre ce nom de conscience et celui de faits observés à des abstractions métaphysiques, à des intuitions mentales, à des inspi- rations secrètes, c’est substituer aux réalités les prestiges, à l’étude l’enthousiasme, et à la science les croyances. » Daunou, Cours d’histoire professé au Collège de France en 1828. — Nous citons ce jugement sévère, sans l’approuver de tout point, à beaucoup près, et en tâchant d’expliquer ce qu’il a de vrai.

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