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au point d’intersection des diagonales ; qu’un instrument à mesurer les angles soit exactement centré ; qu’une balance soit parfaitement juste ; qu’une mesure quelconque soit rigoureusement conforme à l’étalon, et ainsi de suite. Toutes ces impossibilités physiques sont de même nature, et s’expliquent à l’aide de la notion qu’on a dû se faire des rencontres fortuites et de l’indépendance des causes. En effet, supposons qu’il s’agisse de trouver le centre d’un cercle : l’adresse de l’artiste et la précision de ses instruments assignent des limites à l’erreur qu’il peut commettre dans cette détermination. Mais d’autre part, entre de certaines limites différentes des premières et plus resserrées, l’artiste cesse d’être guidé par ses sens et par ses instruments. La fixation du point central, dans ce champ plus ou moins rétréci, s’opère sans doute en vertu de certaines causes, mais de causes aveugles, c’est-à-dire de causes tout à fait indépendantes des conditions géométriques qui serviraient à déterminer ce centre sans aucune erreur si l’on opérait avec des sens et des instruments parfaits. Il y a une infinité de points sur lesquels ces causes aveugles peuvent fixer l’instrument de l’artiste, sans qu’il y ait de raison, prise dans la nature de l’œuvre, pour que ces causes fixent l’instrument sur un point plutôt que sur un autre. La coïncidence de la pointe de l’instrument et du véritable centre est donc un événement complètement assimilable à l’extraction d’une boule blanche par un agent aveugle, quand l’urne renferme une seule boule blanche et une infinité de boules noires. Or, un pareil événement est avec raison réputé physiquement impossible, en ce sens que, bien qu’il n’implique pas contradiction, de fait il n’arrive pas : et ceci ne veut pas dire que nous ayons besoin d’être renseignés par l’expérience pour réputer l’événement impossible ; au contraire, l’esprit conçoit a priori la raison pour laquelle l’événement n’arrive pas, et l’expérience n’intervient que pour confirmer cette vue de l’esprit. De même, lorsqu’une sphère est rencontrée par un corps mû dans l’espace en vertu de causes indépendantes de la présence actuelle de cette sphère en tel lieu de l’espace, il est physiquement impossible, il n’arrive pas que, sur le nombre infini de directions dont le corps choquant est susceptible, les causes motrices lui aient précisément donné celle qui va