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DE LA PSYCHOLOGIE. 535

sensitive et animale et d’une âme raisonnable et libre (127 et suiv. ) : idée que l’un des penseurs les plus originaux de ce siècle, Maine de Biran, a reproduite sous des formes bien mieux arrêtées, mais par là même empreintes d’arbitraire et d’artifice systématique. Selon lui, l’essence du moi humain ou de l’âme humaine consiste dans le pouvoir de prendre des déterminations libres. Les affections de la sensibilité, les simulacres de l’imagination, les emportements des passions appartiennent à la nature animale, sont placés sous l’empire de l’organisme ; la personne humaine, le moi, force hyperorganique (compos sui), dont l’essence est de se posséder elle- même et de se déterminer librement, se trouve unie dans l’homme et dans l’homme seul à la vie animale ; et le mystère de cette union remplace le mystère de l’union de la substance pensante à la substance étendue dans le système cartésien. La force hyperorganique du moi est suspendue dans les songes, dans l’ivresse, dans la folie, alors que la vie animale continue de fonctionner, à peu près comme, suivant la théorie de Bichat, la vie organique poursuit son cours pendant les suspensions anomales ou périodiques de la vie animale ; et quand la personne se ressaisit elle-même, se retrouve de nouveau en présence des phénomènes de sensibilité, d’imagination, de passion, qui s’accomplissent dans le cercle des fonctions de la vie animale, c’est toujours par une détermination volontaire et libre que son pouvoir éclate et que sa puissance se manifeste. En l’absence du moi, il y a des sensations, mais point de connaissance ; des passions, mais point de volonté : car la connaissance et la volonté supposent la conscience de la liberté et de la personnalité, la possession de soi-même ; et partant il n’y a pour les animaux, pour l’homme en songe ou en délire, ni volonté, ni connaissance à un degré quelconque.

363. — Mais ces conséquences mêmes montrent ce qu’il y a d’excessif et de contraire aux faits dans le système ingénieux dont nous esquissons les principaux traits. Notre propre expérience nous atteste que dans les rêves, soit que nous éprouvions ou que nous n’éprouvions pas un sentiment vague de notre impuissance d’agir ou de coordonner nos actes, nous

1 Œuvres philos., T. III, passim.