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DE LA PSYCHOLOGIE. 527

niques et des animaux inférieurs correspond une activité pareillement obscure : force mystérieuse, qui nous est incom- préhensible, non seulement dans sa cause ou dans son essence, mais dans son mode d’action. A mesure que les afïections de la sensibilité se coordonnent et se centralisent pour aboutir à une conscience plus distincte, la direction volontaire va en se déterminant avec une netteté plus grande ; et finalement le phénomène du désir et du vouloir ne peut plus être méconnu dans l’animal des classes supérieures, dans l’enfant en très bas âge, dans l’idiot, dans le fou, dans l’homme livré aux songes ou à l’ivresse, chez qui la puissance active, à ce degré plus élevé qui constitue l’activité libre, ou ne peut exister, ou n’existe pas encore, ou se trouve momentanément suspendue. Et ensuite que de degrés dans cette possession de soi-même, qui est la condition de l’acte éminemment libre et de la plénitude de la responsabilité ! Quand l’acte volontaire commence-t-il à entraîner la responsabilité de l’agent ? Saint Augustin se demande si un enfant au berceau, dans un accès de colère, n’a point péché ; et la question qu’il pose en théologien, nous pouvons la poser en philosophes. On démêle dans les actions du fouet dans ses propos une volonté malicieuse qu’on réprime par les menaces et les châtiments corporels, sans qu’elle entraîne de responsabilité aux yeux des interprètes des lois religieuses et civiles. Nous prêtons nos passions aux animaux, nous les qualifions de cruels, d’obstinés, de timides, de lâches ; et s’il n’est pas permis de prendre ces expressions à la lettre, en ce sens qu’elles attribueraient aux appétits et aux inclinations des animaux un caractère de moralité qui n’appartient qu’à l’homme, on ne peut non plus se refuser à voir dans ces affections de la nature animale le fond des appétits et des passions de la nature humaine. Non seulement les conditions organiques sont analogues, mais l’analogie subsiste dans les affections psychologiques ; et les puissances de l’âme humaine, qui les maîtrisent parfois au nom d’un principe supérieur, sont sujettes à des rémittences, à des défaillances graduelles, qui font que nul n’a le droit de s’ériger en juge de la valeur absolue des actions de l’homme, que celui dont l’œil plonge dans toutes les profondeurs de son être.

Si la nature avait mis dans la série des phénomènes psychologiques des distinctions tranchées, un ordre de succès-