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DE L’HISTOIRE ET DE LA SCIENCE. 469 sa philosophie ; car le sens philosophique démêle des causes de natures diverses, les unes permanentes, les autres acciden- telles, et reconnaît la tendance qu’elles ont à se subordonner les unes aux autres, sans toutefois pouvoir donner à ses aperçus l’évidence démonstrative ; et, tandis que dans les choses qui sont du ressort de la statistique, on peut recommencer la série des épreuves, et confirmer ainsi la vérité des résultats déjà mis en évidence par des observations antérieures, de manière à arriver à la certitude scientifique, il serait contraire au mode de succession des phases historiques de se prêter à cette expé- rience confirmative. En conséquence, le passé, si bien expliqué qu’il soit ou qu’il paraisse être, ne projette jamais sur l’avenir qu’une lueur singulièrement indécise, non seulement quant aux accidents de détail, mais quant aux résultats généraux, que peuvent toujours modifier et même complètement chan- ger des accidents imprévus, comme ceux qui ont modifié, dans son ensemble, la série des événements antérieurs. D’ailleurs, si l’histoire pragmatique ne peut jamais devenir une science, il est tout simple qu’on trouve, dans certaines branches de nos connaissances, la forme scientifique unie à un fond de recherches historiques. La numismatique, par exem- ple, revêt les formes d’une science, a ses règles, ses principes, ses classifications, quoique le fond en soit tiré de l’histoire, et qu’elle n’ait guère d’utilité qu’autant qu’elle sert à l’éclaircis- sement de l’histoire. Aussi pourrait-on éprouver quelque em- barras à la ranger dans un système encyclopédique, et se dé- terminer diversement, suivant qu’on attacherait plus d’im- portance au fond ou à la forme ; mais cela ne prouve que l’in- suffisance de nos classifications artificielles et n’intéresse en rien le fond des choses. 319. — Nous devons insister davantage sur ces deux ex- pressions d’histoire naturelle et de sciences naturelles, dont l’emploi simultané semble tenir à une distinction essentielle qu’il importe d’éclaircir. En effet, ce n’est pas sans raison qu’on a donné jusqu’ici le nom d’histoire à la description, ou du moins à certaines parties de la description de la nature. Pre- nons pour terme de comparaison la géographie physique : à la vue d’un globe terrestre où sont dessinés les contours des continents et des mers, tels qu’ils ont été arrêtés à la suite des dernières révolutions de notre planète, par le concours