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à suspendre notre assentiment. Or, à cet égard, la théorie des probabilités mathématiques, bien entendue, ne serait le plus souvent d’aucun secours : mal entendue, elle conduirait à de très-fausses conséquences.

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Supposons, pour prendre un exemple, qu’il ait été parfaitement constaté par l’expérience que deux personnes, A et B, sont sujettes chacune à se tromper une fois sur vingt dans un calcul numérique, de forme bien déterminée : il ne s’ensuivra pas que, lorsque B a contrôlé avec attention le calcul de A et l’a trouvé juste, la probabilité de l’erreur simultanée soit de un sur quatre cents, ainsi qu’on pourrait le conclure par assimilation avec la probabilité d’extraire deux fois de suite une boule noire d’une urne qui renfermerait dix-neuf fois autant de boules blanches que de boules noires. En effet, par cela même que B se propose de contrôler un résultat déjà obtenu, il y a lieu de supposer que son attention est plus éveillée et qu’il se prémunit mieux contre les chances d’erreur. Quand même B opérerait dans l’ignorance du résultat trouvé par A et sans intention de contrôle, il serait fort extraordinaire que, parmi toutes les fautes de calcul possibles, il lui échappât précisément celle qui a échappé au calculateur A, ou qu’il lui en échappât une autre, affectant précisément de la même manière le même chiffre du résultat final. En conséquence, si les résultats trouvés par les deux calculateurs concordaient exactement, la probabilité de l’erreur du résultat commun, conclue de ces notions de combinaisons et de chances, pourrait être de beaucoup inférieure à celle de un sur quatre cents. Le calcul de cette probabilité serait un problème compliqué, dont la solution dépendrait de la forme du calcul numérique qui a amené les deux résultats concordants, du nombre des chiffres employés, etc. Au contraire, si les fautes du calcul tenaient à quelque vice de méthode commun aux deux opérateurs, à quelque erreur des tables dont ils se servent, la probabilité d’une erreur commune aux deux résultats concordants pourrait excéder de beaucoup celle de un sur quatre cents : en d’autres termes, il arriverait plus d’une fois sur quatre cents que les deux opérateurs tomberaient sur des résultats faux, quoique concordants.

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Admettons maintenant que le résultat trouvé par les deux calculateurs satisfasse à une loi simple, suggérée