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d’une fluidité initiale, et en partant d’une figure initiale quelconque, par l’action indéfiniment prolongée des causes qui, même aujourd’hui, tendent à amoindrir les aspérités de la surface actuelle ou ses écarts du niveau parfait. Un temps infini est à notre disposition pour le besoin de cette conception théorique, comme pour l’épuisement de toutes les combinaisons fortuites, si prodigieux que soit le nombre des éléments à combiner, et si singulière que soit la combinaison dont il s’agit de rendre compte. Néanmoins, le temps qu’il faudrait pour amener, par l’usure et la lente dégradation des couches superficielles, un corps solide de forme quelconque et de la grosseur de la Terre, à la forme que prendrait spontanément la même masse à l’état fluide, dépasse si démesurément la durée des grands phénomènes géologiques (quelque énorme que cette durée soit, en comparaison des temps que nous appelons historiques et auxquels nous remontons par la tradition humaine), qu’en l’absence de tout autre indice, la raison n’hésiterait pas à préférer l’hypothèse d’une fluidité initiale, si naturelle et si simple, à une explication qui requiert une si excessive demande. puis, lorsque nous voyons que dans le relief des anciens terrains, à quelque antiquité que nous puissions remonter, rien n’annonce une figure plus éloignée que la figure actuelle de la direction générale des surfaces de niveau, nous rejetons comme absolument improbable l’explication fondée sur la lente dégradation des couches superficielles, sans même avoir besoin de recourir aux inductions tirées des phénomènes volcaniques et de l’accroissement des températures avec les profondeurs, qui nous font admettre qu’à une profondeur relativement petite, la masse du globe est encore maintenant à l’état de fluidité ignée. Mais ce laps de temps, devant lequel la raison reculerait pour l’explication d’un phénomène tel que l’ellipticité du globe terrestre, n’est qu’un point dans la durée, en comparaison du temps dont il faudrait disposer pour qu’on pût raisonnablement admettre, d’après les règles qui nous guident en matière de probabilité, que, par la seule évolution des combinaisons fortuites, en dehors des limites où les réactions mutuelles suffisent pour rendre raison de l’harmonie finale, après des combinaisons sans nombre aussitôt détruites que formées, des combinaisons ont enfin dû venir, offrant par