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FABLES ORIGINALES

Minerve n’en tint compte et dit au dieu sévère :
Au lieu d’anéantir montrez-vous tendre père
Envers ces affligés. — Je ne puis les guérir. —
Mais vous pouvez du moins leur douleur adoucir. —
Comment ? indiquez-moi la façon de m’y prendre ? —
Annoncez qu’au marché chacun devra se rendre
Avec ses maux dans un panier ;
Là, noble, riche, roturier,
D’échanger leurs tourments visibles, invisibles,
Seront loisibles.
Ceci fut partout publié
Au son des trompettes bruyantes.
Les malheureux partent à pié
Pleins d’espérances rayonnantes.
Arrivés au marché, le panier découvert,
Ils avisent des maux dont ils n’ont pas souffert.
Changer un mal de dent contre une pleurésie,
Un léger clochement contre une hydropisie
Ne les tentèrent point. Le cancéreux plaignait
Le valétudinaire,
L’aveugle gémissait
Sur l’enfant poitrinaire.
L’échange n’eut pas lieu. Chacun garda son lot
Désormais défiant de l’aspect le plus beau.
Que fut-il advenu si la sage Minerve
N’était intervenue avec calme et réserve ?
Nous eussions vu pleurer bien des infortunés
Ayant gagné des maux qu’ils n’avaient soupçonnés.

4.